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Le Dhammapâda

ou

les stances de la Voie

du Bouddha


   Préface du vén. Shinjin  R.Brandt-Diény - Fondateur de l’Union des bouddhistes de langue française

Texte de A. Chédel

Le Dhammapâda, contenant la quintessence des Enseignements délivrés par l’Eveillé, le Bienheureux, appelé aussi vade-mecum de la Doctrine du Bouddha, est considéré comme un des tout grands textes canoniques du Bouddhisme des trois Véhicules. Sa plus ancienne version remonte déjà au IIIè av. J-C dans sa version pâlie (423 versets en 26 chapitres), précieusement conservée qu’elle fut au Sri Lanka ; le texte sanscrit ou Dharmapada (414 versets en 22 chapitres) datant du début de notre ère a été retrouvé dans l’Asie centrale.

En outre, consécutivement aux pèlerinages aux sources du Bouddhisme effectués par les moines Fa-Hien, Song-Yun, Xuanzang, qui en ramenèrent une impressionnante quantité de textes sacrés, il existe plusieurs versions chinoises aux longueurs variées, respectant toutes l’essentiel de son contenu. Postérieurement, il a été traduit dans toutes les langues des pays bouddhistes, du Sri-Lanka au Japon en passant par le Tibet (dans une version comprenant 950 versets en 33 chapitres faisant partie constitutive du Tanjour), comme il l’a été dans celles occidentales qui s’intéressaient au Bouddhisme. Parmi la demi-douzaine de traductions françaises, la présente, faite à partir de la version pâlie, est celle qui me semble refléter le mieux l’Esprit du Bouddha. N’oublions pas qu’en la personne du regretté André Chédel nous avons à faire à un véritable humaniste, fin connaisseur des spiritualités orientales.

Feu mon maître, le très vénérable anagarika Sîlananda (Georges Bex), fondateur de l’Union Bouddhique Suisse et co-fondateur de l’Union Bouddhique Européenne, se plaisait à le citer fréquemment dans ses interventions, en résumant l’essence du comportement bouddhiste : " Ne pas faire le mal, pratiquer le bien, purifier l'esprit, tel est l'Enseignement du Bouddha." v.183. Car, c’est à cela que devrait conduire une lecture approfondie, sans cesse réitérée de ces 423 versets. Bien sûr, il est recommandé de se détacher de ses ambiance et tournure parfois exotiquement passéistes pour le restituer à notre échelle, dans l’actualité de notre vie quotidienne, en voyant de quelle manière il peut s’appliquer le plus judicieusement à et dans notre chemin personnel. Ce qui fait qu’il est loisible à chacun, d’après la compréhension qu’il aura du sens ultime, de le mettre en pratique. Je l’ai fait découvrir à maintes personnes qui en ont mesuré la magistralité et il figure dans les Incontournables du site www.bouddha.ch, démontrant ainsi son caractère efficacement indispensable dans tout travail intérieur inspiré du message originel du Bouddha.

Devant la recrudescence d’intérêt pour ce texte et sur mon insistante et persévérante demande de réédition, en raison de la sagesse universelle qu’il contient à l’instar d’autres grands textes tels le Dao De Djing, la Baghavad Gitâ, le Yi King…, vu la nécessité de le consulter fréquemment afin d’accomplir l’essence de son contenu dans sa vie courante, c’est chose faite maintenant, en plus gros caractères, pour qu’ils imprègnent les vues fatiguées (car les petits caractères ne prédisposent pas à la concentration soutenue) et surtout le cœur-esprit de ceux qui en tireront tout le bénéfice qu’il est censé apporter à ceux qui éprouvent un profond respect vécu pour l’enseignement du Bouddha.

Aussi, puisse  cet ouvrage de référence apporter à toutes les personnes qui le découvriront ou le reliront à nouveau tout l’apaisement de l’esprit requis pour progresser bénéfiquement et sereinement dans la Voie que le Bouddha nous a indiquée, à savoir celle du Milieu.


Note : Vous avez souvent rencontré le mot Doctrine, il est utile de rappeler que ce mot vient du latin docere signifiant enseigner, de la même manière le docteur est celui qui enseigne. De ce fait, il est impératif d'éloigner tout amalgame hâtif ou toute confusion avec "l'endoctrinement", phénomène abolissant toute responsabilité de l'être humain, ce qui serait contraire à l'esprit même de l'Enseignement-Doctrine du Bouddha

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Table des matières


I – des contraires

II – sur la vigilance

III – sur le mental

IV – sur les fleurs

V – au sujet de l’insensé

VI – sur le sage

VII – sur l’arhat

VIII – sur les mille

IX – au sujet du mal

X – concernant le châtiment

XI – autour de la vieillesse

XII – concernant le Moi

XIII –au sujet du monde

XIV – sur Bouddha

XV – de la félicité

XVI – autour du plaisir

XVII – sur la colère

XVII – concernant l’impureté

XIX – de l’homme intègre

XX – en marche sur le sentier

XXI – mélanges

XXII – les états de l’enfer

XXIII – sur l’éléphant

XXIV – concernant la convoitise

XXV – au sujet du disciple

XXVI – le brahmane

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I – Des contraires - Yamakavagga

Enoncée à Sravasti pour le moine Caksupala

1- Le fondement de toutes choses qui régit l'ordre universel, ce qui prédomine en tout, c'est l'esprit. Tout provient de l’esprit. Qu'un homme parle ou agisse avec un esprit dévoyé, la souffrance le suivra comme la roue suit le sabot du boeuf .

2- Le fondement de toutes choses qui régit l'ordre universel, ce qui prédomine en tout, c'est l'esprit. Tout dépend de l'esprit. Qu'un homme parle ou agisse avec un esprit purifié, le bonheur sera aussi près de lui que son ombre.

Enoncée au bois de Jevatana pour Tisya

3- "Il m'a insulté. Il m'a battu. Il m'a avili. Il m'a volé!". Ceux qui admettent de telles pensées conservent en eux de la haine .

 

4 -  "Il m'a insulté. Il m'a battu. Il m'a avili. Il m'a volé!". Ceux qui n'accueillent pas de telles pensées ne conservent plus en eux de la haine.

Enoncée au bois de Jevatana pour Kâlî

5- Ce n’est pas en haïssant qu’on supprimera la haine. La haine est éradiquée par la juste compréhension, c'est un principe éternel

6- La majorité des hommes disent: "La mort est une illusion". Ceux qui envisagent la certitude de la mort sont sur la voie de la sérénité.

Enoncée à Sravasti pour jeune et aîné Kâlâ

7- Celui qui s'adonne aux plaisirs sensuels, dont les instincts sont rebelles, qui est avide de nourriture, dolent, inactif, celui-là, assurément, est la proie du mal, tel un arbrisseau que renverse le vent.

8- Quant à celui qui ne vit pas seulement pour les plaisirs et dont les sens sont soumis à la raison, qui est modéré dans la nourriture, actif et plein de zèle, contre celui-là le mal est aussi impuissant que le vent contre un roc.

Enoncée à Sravasti pour Devadatta

9- Celui qui porte la robe du moine et qui est impur, qui manque de modération et de loyauté, celui-là est indigne.

10- Celui qui est pur, ferme dans la vertu, maître de lui-même, cultivant la modération et la vérité, celui-là est digne de porter la robe du moine.

Enoncée au bois des bambous à Sañjaya

11- Tant que l'on confond l'erreur et la vérité, la vérité et l'erreur, l'esprit est défectueux; l'on ne parviendra pas à la vérité, et de vains désirs nous assailleront.

12- Si ce qui est juste est reconnu pour juste et faux pour ce qui est faux, alors on parvient à la vérité et ce que l'on souhaite est juste.

Enoncée à Sravasti pour Nanda

13- De même que la pluie pénètre dans une demeure mal recouverte de chaume, de même, le passionnel s'insinue dans un esprit mal équilibré.

14- De même que la pluie ne pénètre pas dans une maison au toit de chaume, solidement établi, de même, le passionnel n'entre pas dans un esprit harmonieux.

Enoncée au bois des bambous à Cunda

15- Le méchant gémit en ce monde et se lamente dans l'autre; dans les deux situations, il se lamente à cause de la laideur de ses actes.

16- Celui qui agit bien est heureux dans ce monde et dans l'autre; il est heureux dans les deux situations, car ses actes sont purs.

Concernant Devadatta

17- En revanche, celui qui a fait le mal en subit les conséquences, ici-bas et dans l'autre monde; il est tenaillé par la pensée d'avoir mal agi.

18- Celui qui fait le bien est heureux dans ce monde et dans l'autre; il est réconforté part la pensée d'avoir fait le bien.

19- Si un homme parle beaucoup de la Doctrine et que ses actes ne s'accordent pas avec ses paroles, celui-là n'est pas un disciple du Bienheureux.

20- En revanche, celui qui est peu disert sur la Doctrine, mais qui en pratique les principes, repoussant la convoitise, la haine et l'illusion, celui-là, s'il possède la vraie connaissance, l'esprit libéré de toute attache, est un disciple du Bienheureux.

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II – Sur la Vigilance - Appamadavagga

21- La vigilance est le sentier de la vie éternelle; la négligence est le sentier de la mort. Les vigilants échappent à la mort; les négligents sont déjà morts.

22- Les sages vigilants versés dans la connaissance trouvent leur satisfaction dans la vigilance; ils se complaisent dans la manière de vivre des nobles.

23- Les sages, les contemplatifs, persévérant sans cesse contre eux-mêmes, parviennent à l'absorption, dans le Non-être, suprême félicité.

24- Celui qui ne faiblit pas dans son zèle, qui reste attentif et dont les actions sont pures, qui agit d'une manière réfléchie, vit dans la droit- ure, celui-là verra sa renommée grandir.

25- Par sa diligence, sa vigilance, sa maîtrise de soi, le sage doit s'établir sur une île garantie du déferlement des flots

26- Les insensés, privés de sagesse, sont livrés à la négligence, le véritable sage conserve la vigilance comme un trésor de grand prix.

27- Prenez garde à l'insouciance et aux plaisirs sensuels, le méditatif obtient la joie parfaite

28- L'homme qui veille parmi les non-éveillés considère les endormis avec compassion; il regarde d'une façon détachée les masses qui se pressent au pied de la montagne, comme l'habitant des montagnes voit les gens de la plaine.

29- Actif parmi les dolents, éveillé parmi les dormants, le sage chemine comme un cheval fougueux que ne peut suivre une rosse.

30- Par la vigilance, Indra a atteint l'empyrée, la vigilance est louée, la négligence est blâmée.

31- Le moine vigilant, non négligent, il avance comme le feu qui se propage et brûle les entraves de la route.

32- Le moine qui s'attache à la vigilance, non négligent, il ne peut plus s'écarter de la voie, il se rapproche du Non-être.

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III – du Mental - Cittavagga

33- Le fabricant des flèches veille à ce qu'elles soient droites; le sage, lui, tend à redresser son esprit, hésitant, incertain, indomptable et rétif.

34- Semblable à un poisson hors de l'eau, notre esprit s'agite lorsqu'il abandonne le royaume de la Mort.

35- L'esprit est difficile à maîtriser, instable parce que sans cesse avide de plaisirs; il est souhaitable de le dominer. Un esprit dompté est une source d'équilibre.

36- Le sage doit veiller à maîtriser ses pensées, car elles sont subtiles, insaisissables, toujours en quête de jouissances; un esprit équilibré est une source de félicité !

37- Errant et seul, inconsistant, enfoui profondément dans le coeur, tel est l'esprit; celui qui parvient à l'assujettir est libéré des liens de Mâra.

38- L'homme à l'esprit instable, ignorant la doctrine véritable et manquant de sérénité, celui-là n'obtiendra pas la plénitude de la sagesse.

39- L'homme dont l'esprit est stable, non troublé par le désir, qui est au-delà du bien et du mal, celui-là est un être éveillé qui ignore la crainte.

40- Constatant que le corps est fragile comme une poterie, Fortifions l'esprit comme une forteresse; attaquons Mâra avec l'épée de la Sagesse, conservons précieusement ce que nous avons obtenu.

41- Encore un peu de temps et ce corps sera une dépouille abandonnée, n'ayant davantage d'entendement qu'un homme amorphe.

42- Un ennemi fait souffrir un ennemi, un homme haineux blesse le haineux. Mais un esprit indompté peut faire de plus grands ravages.

43- Aucune mère, aucun père, aucun proche ne nous procure autant de joie qu'un esprit bien dirigé.

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IV - Les Fleurs - Pupphavagga

 

44- Qui vaincra ce monde-ci, le royaume de Yama et ses déités? Qui sera capable de réunir un tel bouquet de fleurs, les vers de la Doctrine ?

45- Le disciple domptera ce monde-ci et le royaume de Yama avec ses déités; le disciple saura grouper habilement les vers de la Doctrine comme on fait un bouquet de fleurs.

46- Qui sait son corps aussi éphémère que l'écume et illusoire comme un mirage, celui-là détournera la flèche de Mâra et ne sera pas rejoint par le roi de la Mort.

47- L'homme qui cueille les plaisirs comme des fleurs est entraîné par la mort, qui l'emportera comme un torrent déchaîné entraîne nuitamment un village.

48- Qui cueille avidement les fleurs de la volupté, celui-là sera surpris par la mort avant d'être comblé.

49- Que le sage vive dans son village comme l'abeille butine laissant intacts la couleur et le parfum de la fleur.

50- Soyez insensibles aux paroles agressives d'autrui, à leurs actions, à leurs négligences; soyez en revanche conscients de vos propres actions et de vos propres négligences

51- Pareille à une fleur éclatante, mais dépourvue de parfums, telle est la parole qui n'est pas en accord avec le comportement.

52- Semblable à une fleur éclatante et odorante, telle est la parole qui est en accord avec le comportement.

53- Une profusion de fleurs permet de confectionner plusieurs guirlandes; de nombreuses bonnes actions doivent être accomplies, ici-bas, par un seul homme.

54- L'arôme des fleurs ou du santal, de l'encens ou du jasmin n'est pas répandu contre le vent; en revanche, le parfum de la sagesse va à contre-courant. Le sage répand le parfum de sa vertu dans toutes les directions.

55- Le parfum de la vertu surpasse l'odeur du santal ou de l'encens, voire l'arôme du lotus ou du jasmin.

56- L'arôme de l'encens et du santal a peu de force; en revanche le parfum de la sagesse s'élève jusqu'à l'empyrée.

57- Les vigilants constants dans leur attitude, libérés par la sagesse suprême, Mâra ignore le chemin qu'ils suivent.

58- Comme une fleur de lys embaumée apparaît parmi les détritus le long du chemin,

59- Ainsi le disciple du Bouddha est rayonnant de sagesse au sein de la masse des hommes ordinairement aveugles.

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V- Au sujet de l'insensé - Balavagga

 

60- Interminable est la nuit pour le veillant; longue est la route au voyageur lassé. Sans fin est la suite des naissances et de re-naissances pour l'insensé qui ignore la doctrine véritable.

61- Si un chercheur ne rencontre pas son supérieur ou son égal, qu'il poursuive résolument sa route en solitaire, car aucun lien n'est possible avec un insensé.

62- "Ces enfants sont les miens, ces richesses sont miennes !", voilà les pensées essentielles de l'insensé. A la vérité rien ne lui appartient en propre. D'où viennent ses enfants? D'où proviennent ses richesses?

63- L'insensé qui admet sa sottise fait preuve de sagesse, mais l'insensé qui se croit sage est un fou parmi les hommes.

64- Qu'un insensé collabore avec un sage durant toute son existence, il n'est reste pas moins ignorant de la Doctrine comme la cuiller est insensible au goût de la soupe.

65- Qu'un homme intelligent soit associé, ne serait-ce qu'un instant à un homme sage, il saisira aussitôt la doctrine, comme la langue perçoit la saveur du potage.

66- Les fous, les insensés ont de terribles ennemis: eux-mêmes; ils récoltent le fruit amer de leurs actions négatives.

67- Un acte qui provoque des remords. Un acte dont les répercussions suscitent des larmes de désespoir est négatif.

68- Un acte qui n'apporte aucun regret, un acte dont le contrecoup ne suscite que joie et satisfaction est positif.

69- "Le miel n'en est pas moins doux" pense l'insensé du mal dont les conséquences ne sont pas encore visibles. Or, quand le mal porte ses fruits, l'insensé en subit le poids.

70- Que l'insensé se nourrisse pendant des mois sur la pointe d'un brin d'herbe de Kusa, sa valeur sera seize fois inférieure à celle d'un arhat

71- Le mal que l'on a fait n'agit pas immédiatement à la manière du lait qui caille; tel un feu qui couve, il projette ses flammes, un jour, sur son auteur.

72- La connaissance que possède un insensé est fallacieuse; son bonheur s'évanouit à tout jamais.

73- Des insensés briguent une fausse gloire ou un rang parmi les bikkhus, voire quelque fonction en vue dans leur monastère qui leur procure la déférence du peuple.

74- "Que les laïcs et les moines apprécient ce que j'ai réalisé, qu'ils se soumettent à mes ordres !", ainsi raisonne l'insensé bouffi d'orgueil.

75- Un chemin mène aux richesses de la terre, un autre conduit au Non-être; sachant cela, le disciple du Bouddha ne convoite pas les honneurs, mais aspire à la solitude.

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VI- Sur le Sage - Panditavagga

 

76- Celui qui t'indique tes fautes, considère-le comme s'il te révélait un trésor; attache-toi au sage qui condamne tes défauts.

77- Que l'on prêche et exhorte, que l'on condamne le mal, on sera aimé du juste et méprisé de l'injuste.

78- Ne fais pas du méchant, de celui dont l'âme est vile un ami; recherche la compagnie des bons, l'amitié des hommes choisis.

79- Qui se désaltère à la source de la Doctrine vit dans la sérénité d'esprit; le sage est toujours heureux de la Doctrine enseignée par les Nobles.

80- Les constructeurs d'aqueducs dirigent l'eau à leur gré; les fabricants de flèches les façonnent: les charpentiers tournent le bois, les sages se modèlent eux-mêmes.

81- De même que le roc résiste à la tempête, de même le sage est insensible au blâme ou aux éloges.

82- Pareil à un lac profond, aux eaux calmes et limpides, le sage devient pur après avoir écouté la Doctrine.

83- Où qu'il se trouve le sage véritable n'est pas assoiffé de plaisirs; la peine ou la joie ne l'ébranle pas.

84- Dans ton intérêt ou celui d'autrui ne désire rien, ni enfants, ni richesse, ni royaume. Que l'insuccès d'autrui ne soit jamais le prétexte à ta réussite. Sois vertueux, sage et juste.

85- Peu d'hommes gagnent l'au-delà du monde sensible; la plupart circulent sur la rive du fleuve sans le traverser.

86- Ceux qui suivent la Doctrine parfaitement enseignée, ceux-là traversent le territoire de la Mort, en dépit des obstacles.

87- Le sage renonce à la voie enténébrée pour le chemin de la lumière. Il quittera sa demeure pour la solitude et y trouvera des joies insoupçonnées.

88- Ayant vaincu le désir et l'attachement charnel, le sage sera purifié des impuretés de l'esprit.

89- Celui qui a entraîné son esprit à l'ensemble de tous les degrés du savoir, qui est détaché de toutes choses et se fortifie dans son renoncement, celui dont les désirs ont été maîtrisés, qui est rayonnant. Celui-là est libéré quoique vivant.

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VII – Sur l’Arhat - Arahatavagga


90- Aucune détresse n'atteint celui qui est parvenu au terme du voyage, qui a mis de côté tout souci, qui a rompu tous ses liens.

91- Il a pris la résolution de partir, car sa demeure lui paraît trop étroite; tel le cygne qui abandonne son habitat lacustre, il laisse derrière lui son foyer.

92- Celui qui ne possède rien, qui se nourrit frugalement, qui est conscient de la folie de ce monde, sa trace est aussi malaisée à suivre que celle d'un oiseau dans son vol.

93- Celui qui n'a plus de désirs, qui a dissipé les illusions de la vie, qui se soucie peu de la nourriture, qui aspire à l'espace et à la liberté, ses pas sont aussi peu décelables que le trajet d'un oiseau dans l'air.

94- Les dieux eux-mêmes jalousent celui qui a maîtrisé ses sens, comme un cavalier dompte son coursier. Celui qui a rejeté tout orgueil, celui-là est libéré des désirs.

95- Pareil au sol est l'homme de devoir, solide comme un pilier, limpide comme un lac non pollué, il a terminé le cycle des renaissances

96- L'homme libéré est tranquille en pensées, en paroles et en actes; il est parvenu à la sérénité par un parfait équilibre.

97- Celui qui n'accepte rien sans examen est un homme libre; il a le sens de ce qui n'est pas créé, il a rompu tous les liens qui favorisaient sa renaissance

98- Que ce soit dans un hameau, dans une forêt, dans la plaine ou sur une colline, là où vivent des hommes dignes, l'endroit est toujours agréable.

99- Les forêts délaissées par la foule sont des endroits exquis; les hommes libérés, sans passions, les apprécient parce qu'ils ne recherchent pas les plaisirs sensuels.

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VIII – Sur les Mille – Sahassavagga

100- Supérieure à mille mots dépourvus de sens, telle est la parole raisonnable qui calme celui qui l'entend.

101- Préférable à mille vers dénués de sens, telle est la valeur d'une seule strophe édifiante qui peut apaiser celui qui l'entend.

102- Cent versets sans valeur sont inférieurs à une seule ligne de la doctrine; celle-là procure la paix à celui qui l'entend.

103- Dans un combat, on peut vaincre des milliers d'hommes; qu'est-ce cela en regard de celui qui se vainc lui-même? Celui-là est le plus valeureux des conquérants.

104- La victoire remportée sur soi-même, elle a plus d'importance que si l'on battait tous les peuples.

105- Aucun dieu, ni les gandharvas, ni Mâra, ni Brahma, aucune puissance ne peut transformer cette victoire en une défaite.

106- Si, chaque mois durant un siècle, on sacrifie des milliers de fois, et qu'une seule fois on honore un sage, cet unique hommage surpasse tous les sacrifices.

107- Si pendant un siècle, un homme entretient, sur l'autel d'Agni, la flamme et s'il honore ne serait-ce qu'un instant un être qui a dominé ses instincts, cela vaut mieux que sa longue pratique sacrificielle.

108- Un homme aura beau offrir, au cours d'une année entière, autant de sacrifices et d'oblations qu'il le pourra en vue d'être méritant, tout cela ne vaudra pas le quart de l'hommage rendu à un homme juste

109- Celui qui respecte la vieillesse, celui-là aura quatre raisons d'être prospère: sa vie sera longue, il embellira, il sera heureux et en santé.

110- Un jour vécu dans la sagesse et la méditation, ce jour-là vaut mieux que dix années vécues dans l'ignorance et la paresse, qu'un siècle vécu dans la luxure et la sensualité.

111- Un jour vécu dans la sagesse et la méditation, ce jour-là vaut mieux qu'une décennie vécue dans l'ignorance et la paresse.

112- Un jour vécu dans la sagesse et la méditation, ce jour-là vaut mieux qu'un siècle passé dans l'ignorance et la stupidité

113- Un jour vécu dans le sentiment de l'impermanence des choses, ce jour-là vaut mieux qu'un siècle passé dans l'ignorance de l'éphémère.

114- Un jour vécu dans la vision du sentier qui conduit à l'immortalité. Un tel jour est préférable à cent années passées dans l'ignorance du Non-être.

115- Un jour passé dans la contemplation de la Doctrine par excellence, un tel jour vaut mieux qu'un siècle vécu dans l'ignorance de la Doctrine par excellence.

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IX – Au sujet du Mal - Papavagga

 

116- Empresse-toi de faire le bien, préserve ton esprit du mal. Pratiquer le bien avec modération, c'est opter pour le mal.

117- Que celui qui commet le mal, évite de recommencer: qu'il ne le cultive pas. L'accumulation du mal est douloureuse.

118- Que celui qui fait le bien ne se relâche pas; qu'il en soit satisfait. L'accumulation du bien est heureuse.

119- Un être qui commet le mal peut être satisfait tant que sa mauvaise action est inopérante; lorsqu'elle agit, il sera malheureux.

120- Celui qui pratique le bien peut souffrir: tant que son action est encore inopérante: lorsqu'elle agira, il sera heureux.

121- Ne traite pas le mal à la légère en disant: "Il ne m'atteindra pas !". Le récipient s'emplit goutte à goutte; l'insensé, peu à peu, sera comblé par le mal.

122- Ne traite pas le bien à la légère en disant: "Il ne m'atteindra pas !". Le récipient s'emplit goutte à goutte, le sage, peu à peu, sera comblé par le bien.

123- Lorsqu'un commerçant transporte de grandes richesses avec une faible escorte, il évite les routes peu sûres; de même, un homme attaché à la vie se garde du poison; agis de même à l'égard du mal.

124- Une main saine et sans blessure peut, sans crainte, toucher du poison; Agis de même, car l'homme de bien est imperméable au mal.

125- Celui qui blesse une personne pure, innocente et sans souillure, récoltera l'injure en retour, telle une poignée de poussière jetée contre le vent.

126- Certains sages se réincarnent; les méchants s'en vont dans la sphère douloureuse (1), le bon dans les sphères célestes, les libérés atteindront le Non-être.

127- Ni dans les airs ni au fond des océans ni dans les cavernes ou quelqu'autre endroit au monde, l'homme trouvera un endroit pour échapper à ses mauvaises actions.

128- Ni dans les airs ni au fond des océans ni dans les cavernes ou quelqu'autre endroit au monde, l'homme trouvera un lieu où échapper à la mort.

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X – Concernant le Châtiment - Dandavagga

 

129- Tous les hommes tremblent devant le châtiment et redoutent la mort. Assimilant les autres à soi-même, ne tuez pas et ne faites pas tuer.

130- Tous les hommes tremblent devant le châtiment; ils sont tous attachés à la vie; assimilant les autres à soi-même, ne tuez pas et ne faites pas tuer.

131- Celui qui recherche son propre bonheur au détriment de ceux qui aspirent à la même chose, celui-là ne l'obtiendra pas dans une vie future.

132- Celui qui, en recherchant son propre bonheur, n'agit pas au détriment d'autrui, celui-là l'obtiendra dans la vie future.

133- Ne profère pas devant autrui des paroles désagréables; elles reviendront à toi. Les propos d'un colérique sont empreints de souffrance; il en subira le choc en retour.

134- Si tu demeures silencieux comme un gong cassé, tu as atteint le Non-être; toute violence s'est éteinte en toi.

135- De même que le bouvier dirige son troupeau vers le pâturage à l'aide de son bâton, ainsi la vieillesse et la mort inclinent à déloger la vie des êtres vivants.

136- L'insensé agit mal parce qu'il est stupide; ses actions le brûlent et le tourmentent comme s'il était un brasier.

137- Occasionner le mal à un innocent, blesser celui qui ne blesse pas, c'est s'approcher rapidement de l'un des dix états suivants:

138- Souffrir corporellement, être victime d'un accident, contracter une maladie grave, sombrer dans la folie;

139- Etre en conflit avec l'autorité, la médisance grossière, la mort de ses proches, la perte de ses richesses.

140- La destruction de sa maison par le feu, à l'heure de mourir, l'accession à la sphère douloureuse.

141- Ni le nudisme, ni les cheveux tressés. ni l'aspersion de la poussière sur le corps, ni le jeûne, ni le fait de dormir à même le sol, ni l'habitude de se recouvrir de cendres, ni les génuflexions, rien de tout cela ne purifie le mortel dominé par la convoitise et le doute.

142- Si un homme, quoique bien vêtu, est serein d'esprit, s'il est calme, maître de lui, comme dans l'état de chasteté ,ne faisant aucun mal à aucune créature, celui-là est un brahmane, un ascète, un moine mendiant.

143- Aucun sage au monde n'est suffisamment parfait pour échapper au blâme ni un cheval au coup de fouet; comme un pur-sang, sois vif et cours vers le but.

144- Au moyen de la confiance, de la vertu, de la force et de la méditation, par la recherche de la vérité, la connaissance parfaite de la Doctrine et de la conduite de la vie, par la concentration soutenue, abandonnez derechef les tourments de l'existence.

145- Les constructeurs d'aqueducs dirigent l'eau, les fabricants de flèches les façonnent. Les charpentiers tournent le bois; les sages se maîtrisent eux-mêmes.

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XI – Autour de la Vieillesse - Jaravagga

 

146- Comment peut-on être heureux, se réjouir, alors que le monde est en proie aux souffrances de tous genres? Vous, qui êtes plongés dans les ténèbres, ne chercherez-vous pas la lumière?

147- Considérez cette forme misérable, ramassis de choses impures et souffreteuses, pleine de désirs où la vie est figée.

148- Ce corps fragile n'est qu'un réceptacle de misères, de maladies, d'impuretés. La vie l'incline vers la mort.

149- Comment ne pas considérer avec dégoût ce squelette vermoulu, ce squelette dont les os sont éparpillés comme des calebasses à la saison d'automne?

150- Ce château-fort bâti à l'aide d'os recouvert de chair et de sang, ce château-fort est assiégé par l'orgueil, la jalousie, la sénilité et la mort.

151- Les chars somptueux des rois, ils subissent la destruction par l'usure. Ce corps va inévitablement vers la décrépitude, mais l'enseignement du sage échappe à la vieillesse et se transmet à d'autres sages.

152- Comme le boeuf dont le poids augmente, ainsi l'ignorant, en vieillissant, accroît son poids, non sa sagesse.

153- Celui qui est dans le cycle des renaissances, est astreint à vagabonder sans fin, car il cherche en vain l'architecte de la maison.

154- Architecte ! Maintenant, je te vois, tu ne bâtiras plus de maison tes poutres sont brisées, ta toiture s'est effondrée. Mon esprit est libéré, car je suis parvenu à l'anéantissement des désirs.

155- Ceux qui n'ont pas embrassé l'état de chasteté et qui n'ont pas amassé durant leur jeunesse des richesses spirituelles, ceux-là meurent comme des hérons chargés d'ans, au bord d'un lac sans poissons.

156- Les hommes qui ont mené une vie dissolue sans se préoccuper pendant leur jeunesse d'acquérir la vraie science, ceux-là sont semblables à des arcs inutilisables; les lamentations sur leur force gaspillée sont leur seul lot.

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XII – Concernant le Moi - Attavagga

 

157- Si un homme possède l'amour de soi, qu'il prenne garde! Le sage veillera un tiers de la nuit.

158- Suis d'abord la voie droite, puis tu pourras t'ériger en conseiller des autres; que le sage ne donne pas lieu à des remarques.

159- Si l'on vit conformément à ce que l'on prêche à autrui, alors on a le droit d'enseigner les autres; mais, dit-on, la maîtrise de soi est difficile.

160- Chacun est son propre gardien, cela est certain. Qui d'autre pourrait remplir ce rôle? En se maîtrisant soi-même, on dispose d'un gardien irremplaçable.

161- Le mal que l'on fait, créé par le moi, provient du moi. Broie l'esprit timoré comme le diamant pulvérise les autres pierres précieuses.

162- L'homme dont les mauvaises actions sont aussi foisonnantes que la liane sur l’arbre de sal, cet homme-là se fait à lui-même le mal qu'un ennemi lui souhaiterait.

163- Il est facile de se faire du tort et du mal; en revanche, il est très difficile de réaliser ce qui est bon et bienfaisant.

164- L'insensé, qui s'appuie sur les erreurs des autres, rejetant l'enseignement des hommes sages, des hommes "dignes", droits, cet homme-là produit des actions pour sa destruction, comme le bambou katthaka produit des fruits pour sa destruction

165- L'homme se salit par le mal et il se purifie en renonçant au mal; la pureté et l'impureté sont en lui: nul ne peut purifier un autre.

166- Que personne ne néglige de suivre le Bien suprême en vue d'obtenir ce qui lui paraît être de valeur. Que celui qui a une notion claire sur la conduite de la vie s'y tienne.

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XIII – Au sujet du Monde - Lokavagga

 

167- La voie du mal, ne la suis pas; l'indolence de l'esprit ne la pratique pas. N'opte pas pour les idées erronées; ne t'attache pas aux choses du monde.

168- Lève-toi; ne sois pas indolent; pratique l'enseignement de la Doctrine; le maître en sagesse connaît le bonheur ici-bas et dans les autres mondes.

169- Suis l'enseignement de la Doctrine. Eloigne-toi du mal; le maître en sagesse est heureux dans ce monde et dans les autres.

170- Considère le monde comme une bulle de savon. Si tu n'y vois qu'impermanence, le roi de la mort ne te découvrira pas.

171- Considère le monde comme le char peint du roi; un objet qu'admirent les insensés, mais qui n'en vaut pas la peine.

172- L'homme négligent qui devient vigilant, il est semblable à la lune qui, émergeant des nuages éclaire la terre.

173- Celui dont les bonnes actions éliminent le mal qu'il a fait, il est semblable à la lune qui, émergeant des nuages, éclaire la terre.

174- Le monde est aveugle, peu nombreux sont les gens qui voient, qui sont capables, tel l'oiseau s'échappant du filet, de se diriger vers le séjour divin.

175- Les cygnes volent en direction du soleil; les yogis se déplacent dans les airs, les libérés quittent le monde après avoir vaincu les ruses de la mort.

176- Un seul point de la doctrine violée, de méchantes paroles et le mépris du divin, l'homme est alors capable de commettre n'importe quoi.

177- Il ne va pas vers le monde divin l'avare; les insensés ignorent la joie de donner; en revanche, le sage est heureux dans la charité. Il s'avance déjà dans la félicité.

178- Au lieu de dominer la terre, de gagner le ciel, plutôt que de régner sur l'ensemble des mondes, il est préférable d'entrer dans le courant du Non-être.

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XIV – Sur Bouddha - Buddhavagga


179- L'être dont la majesté est insurpassable et inégalable, le Bouddha qui est dans le Non-être, comment l'identifier, lui qui est invisible?

180- Celui dans lequel il n'y a plus de trace de convoitise et de désir, pour quoi devrait-il être dirigé? Comment découvrir le Bouddha, lui qui est invisible?

181- Les dieux envient ceux qui ont obtenu l'état d'éveil, de vigilance, ceux qui vivent heureux loin du monde.

182- Il est difficile de devenir un homme, de vivre la vie d'un mortel; il est difficile d'entendre la vraie Doctrine, d'acquérir l'état de bouddhéité.

183- Ne pas faire le mal, pratiquer le bien, purifier l'esprit, tel est l'Enseignement du Bouddha.

184- L'ascèse par excellence est la constante patience; le Non-être est l'état suprême proclament les Bouddhas. Il n'est pas un adepte, celui qui nuit aux autres créatures, il n'est pas un véritable ascète, celui qui injurie autrui.

185- Ne pas outrager, ne causer de tort à personne, vivre selon la Doctrine, se retirer dans la solitude et méditer, voilà l'essentiel de l'enseignement bouddhique.

186- Même lorsque que la pluie tombe au temps de la sécheresse, elle ne saurait étancher la soif des désirs; ils sont inextinguibles et provoque la "souffrance", telle est la constatation des sages.

187- Les joies célestes laissent le sage indifférent; le disciple du suprême éveillé n'est heureux que dans la suppression de tout désir.

188- C'est la crainte de la peur qui pousse les hommes à se réfugier, soit dans la forêt, soit à proximité d'un bois sacré.

189- Ce n'est pas un refuge sûr, ce n'est pas le refuge suprême. Celui qui s'y réfugie ne se libère pas de toutes les douleurs.

190- Celui qui se réfugie dans le Bouddha, dans la Doctrine, dans la Communauté des moines, dans la sagesse parfaite, celui-là comprend les Quatre Vérités, soit:

191- La douleur, l'origine de la douleur, la suppression de la douleur, ainsi que l'octuple sentier qui conduit à son anéantissement.

192- En vérité, c'est là qu'est le sûr, le parfait refuge; celui qui le choisit s'affranchit de la douleur.

193- L'homme parfait, le Bouddha, on le rencontre difficilement, car il ne naît pas fréquemment; là où ce sage vient au monde, ses proches sont enrichis spirituellement.

194- L'apparition d'un bouddha est bénie, l'unité de la communauté des moines est bénie, l'observation des règles par les disciples est bénie

195- Celui qui vénère un Bouddha et ses disciples, affranchi, attaché à la vraie Doctrine, celui-là vénère ceux qui ont franchi tous les obstacles et le fleuve du désespoir.

196- Celui qui a atteint le Non-être, celui-là ne renaîtra plus.

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XVI – De la Félicité - Sukhavagga


198- Nous sommes heureux de vivre, sans haine, parmi ceux qui nous haïssent. Nous demeurons sans ressentiment au milieu des hommes haineux.

199- Nous sommes heureux de vivre sans souffrances morales parmi ceux qui désespèrent; nous demeurons sans souffrances morales au milieu de ceux qui désespèrent.

200- Nous sommes heureux de rien posséder; la félicité est notre nourriture comme c'est le cas des dieux bienheureux.

201- Le vainqueur provoque la haine. Celui qui est vaincu gît, souffrant; l'homme paisible se repose dans le bonheur, renonçant aussi bien à la victoire qu'à la richesse.

202- Il n'est pas de feu plus brûlant que le désir, de plus grand malheur que la haine; il n'est pas de misère comparable aux ennuis provoqués par la vie; pas de béatitude plus haute que le Non-être.

203- La faim est la pire des maladies; les ennuis causés par l'existence provoquent de grandes souffrances; celui qui sait cela, en conformité avec le réel et la vérité, le Non-être devient la félicité suprême.

204- La santé est la richesse par excellence; le contentement de l'esprit est le plus grand des bienfaits; un fidèle ami est un compagnon sûr, mais rien ne surpasse le Non-être.

205- Celui qui a goûté aux douceurs de la solitude et de la paix, cet homme-là s'est affranchi de la souffrance et du mal, il se délecte dans la douceur de la Doctrine.

206- Il sied de contempler les nobles; être en leur présence est une félicité: bienheureux est celui dont le regard ne s'abaisse pas sur des êtres méprisables.

207- La compagnie des insensés provoque des chagrins; vivre avec des insanes ne vaut pas mieux que la vie en commun avec des ennemis. Partager la vie avec des sages, c'est goûter la même félicité que lorsqu'on est parmi les siens.

208- Fréquente donc les sages, les savants, les hommes pieux, les nobles vertueux. Imite celui qui est bon et sage, telle la lune suit la voie des étoiles.

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XVI – Autour du Plaisir - Piyavagga


209- Vouer son temps au futile et ne pas s'appliquer à ce qui est profitable; sacrifier ce qui est essentiel à l'esclavage du plaisir, c'est aller au-devant des regrets de n'avoir pas agi correctement.

210- Sois indifférent au plaisir comme à la peine, car, s'il est douloureux de supprimer le plaisir, il est non moins douloureux de participer aux jouissances de la vie.

211- Prenons garde de nous attacher à quelqu'un, car la perte de l'être aimé est souffrance. Il n'y a plus d'obstacles pour ceux qui ont renoncé à l'amour égoïste et à la haine.

212- Chérir un être provoque du chagrin et de l'anxiété; en renonçant à un amour exclusif n'aboutit-on pas à l'absence de chagrin et d'anxiété?

213- Le plaisir est source de peine et de crainte; libéré du plaisir, la peine et la crainte sont supprimées.

214- Le désir des sens suscite la peine et l'anxiété. Affranchi de désirs, on ne connaît plus ni peine ni anxiété.

215- Les désirs charnels provoquent le chagrin et l'angoisse; affranchi de l'attachement, on ne connaît plus ni chagrin ni angoisse.

216- La convoitise suscite le chagrin et l'angoisse; l'absence de désirs supprime la tristesse et l'anxiété.

217- Le sage, intuitif, est aimé dans ce monde; on apprécie celui qui est juste, correct et agit comme il se doit.

218- Celui qui aspire au Non-être en rompant la chaîne des renaissances, celui-là a l'esprit ferme, insensible aux convoitises.

219- Les amis et les parents accueillent cordialement le voyageur, celui qui a accompli un long chemin.

220- De même, le juste est accueilli lorsqu'il passe de ce monde dans un autre; ses bonnes actions saluent sa rentrée avec joie.

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XVII – Sur la Colère - Khodavagga


221- Repousse la colère, rejette l'orgueil, rompt toutes les entraves, celui qui se libère des attaches, qui est libre à l'égard de tout, celui-là est en dehors de la souffrance.

222- Celui qui mate la colère qui s'annonce comme on arrête un char lancé, celui-là a le droit au titre de conducteur, les autres ne sont que des cochers.

223- Que la colère soit vaincue par l'amour, le mal par le bien, que l'avare soit conquis par la générosité, le menteur par la vérité.

224- Sois véridique, ne te laisse pas gagner par la colère, donne généreusement le peu que tu possèdes au quémandeur, par ces trois qualités, les hommes sont proches des dieux.

225- Ceux qui ne font de mal à personne, toujours maîtres d'eux-mêmes, ceux-là se dirigent vers la condition éternelle, où il n'y a plus de douleurs

226- Ceux qui étudient et sont vigilants nuit et jour, qui ont l'esprit concentré sur le Non-être, ceux-là se libéreront des liens du désir et de l'illusion.

227- De tout temps, comme aujourd'hui, les silencieux sont critiqués, de même que les volubiles et les modérés. Personne en ce monde n'échappe à la critique.

228- Il n'existe pas, il ne fut jamais et il ne sera jamais l'homme qui est uniquement blâmé ou louangé.

229- Si un homme était vanté par les sages, par ceux qui l'observent sans cesse, par les savants, par les intègres, par ceux qui sont revêtus de sagesse et de vertu.

230- Qui les porte, comme on porterait un vêtement d'or, pourrait-on le blâmer? Même les dieux, même Brahma l'apprécieraient.

231- Prenez garde aux insoumissions de votre corps; contrôlez vos actes. Renoncez aux façons pernicieuses d'agir; suivez la voie des actions droites.

232- Prenez garde aux errements de votre langue; contrôlez vos propos; renoncez aux manières erronées de langage, parlez avec rectitude.

233- Prenez garde aux insoumissions de votre esprit; contrôlez vos pensées. Renoncez aux manières erronées de penser; réfléchissez correctement.

234- Les sages dont les actions, les paroles sont contrôlées, les sages dont les pensées le sont également, ceux-là en vérité, sont bien protégés.

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XVIII – Concernant l'impureté - Malavagga


235- Tu es comme la feuille; les envoyés de Yama t'épient; tu es sur le point de partir, mais tu es démuni de tout pour le voyage.

236- Prépare en toute hâte ton îlot de refuge. Sois sage, ne tarde pas; purifié par les ablutions, tu peux accéder au pays des êtres nobles.

237- Tes jours sont épuisés: la mort est là. Il n'y a plus d'échappatoire et tu es entièrement dépouillé

238- Prépare en toute hâte ton îlot de refuge, sois sage, ne tarde pas; purifié par les ablutions, tu échapperas à la chaîne des renaissances.

239- De même que le bijoutier affine l'argent brut, ainsi, peu à peu, à chaque instant le sage se purifie.

240- Lorsque la rouille apparaît sur le fer, il est attaqué; ainsi, il en est des mauvaises actions de l'homme qui le mènent à la souffrance.

241- Si on ne les répète pas les formules magiques ne sont pas efficaces, si on ne les entretient pas, les maisons se délabrent; le manque de soins contribue à la laideur du corps. L'inattention trahit le veilleur.

242- La légèreté de la femme est une impureté; l'avarice est une souillure pour le donateur.

243- Ce qui surpasse toutes les impuretés est l'ignorance. Purifiez-vous de cette impureté et vous serez purs, ô moines.

244- La vie est aisée à l'homme sans scrupules, à l'impudent, au méchant, au fat orgueilleux, à l'impur.

245- L'existence s'avère difficile au modeste, à celui qui recherche la pureté, au désintéressé, à celui qui est humble, qui mène une vie droite et dont le jugement est clair.

246- Il n'a plus de racines, celui qui porte atteinte à la vie; celui qui s'approprie de ce qui ne lui appartient pas,

247- Celui qui commet l'adultère par la pensée, celui qui s'adonne aux boissons enivrantes.

248- Sache qu'il est nuisible de ne pas savoir se maîtriser; fasse que le désir et l'injustice ne te procurent pas des souffrances sans fin.

249 - Chacun donne selon ses conceptions et son coeur. S'offusquer des aliments et des boissons offerts à autrui, c'est ne jamais parvenir à la concentration.

250- Celui qui a supprimé radicalement tout ressentiment, celui-là parviendra à se concentrer à n'importe quel moment du jour et de la nuit.

251- Aucune flamme n'est comparable au désir, aucun crocodile ne dévore autant que la haine. Nul filet n'est plus enchevêtré que l'illusion, aucun torrent n'est plus impétueux que le désir.

252- On découvre facilement la faute d'autrui, mais la nôtre est difficile à percevoir. Nous trions les fautes d'autrui comme on sépare la paille du blé; mais nous dissimulons les nôtres comme le filou cache un mauvais coup.

253- Celui qui critique constamment les défauts d'autrui accroît en lui la puissance du désir, l'amour de la vie présente, l'illusion; il ne voit pas de fin à sa passion.

254- Dans l'éther, il n'y a point de chemin, il n'est pas de voie hors de la Doctrine; les humains s'adonnent à la vanité; "ceux qui ont franchi le gué" ont maîtrisé les embûches.

255- Dans l'éther, il n'est point de sentier, il n'existe pas de voie hors de la Doctrine. Les cinq agrégats sont instables, mais les Bouddhas sont immuables.

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XIX – De l'homme intègre - Dhammattavagga


256- L'homme est injuste en jugeant superficiellement. Le sage est celui qui distingue le juste de l'injuste.

257- Celui qui juge autrui impartialement selon la loi et la justice, celui-là est éclairé par la Doctrine, on peut l'appeler un juste.

258- Le sage ne se mesure pas par l'abondance de paroles. L'homme bon, amical, dévoué, celui-là est un sage.

259- Ce n'est pas en discourant qu'on est un pilier de la Doctrine. Celui qui n'est pas versé dans la Doctrine, mais y conforme les actes de la vie, celui-là est réellement le soutien de la Doctrine; il ne la néglige pas.

260- Un homme n'est pas nécessairement un "ancien" parce qu'il a la tête chenue. Il est vieux, mais on peut dire que la vieillesse ne lui a rien apporté.

261- Le possesseur de la vérité, de la Doctrine, de la non-violence, de la maîtrise de soi, de la pureté, celui-là est un sage, il est réellement "vénérable"

262- Il ne suffit pas pour être un homme adorable de s'exprimer aisément, de faire beau, s'il est cupide, avare et faux.

263- Celui en qui n'existent plus de semblables dispositions d'esprit, celui-là est un sage sans passion, un homme honorable.

264- A l'indiscipliné, au menteur, ce n'est pas la tête rasée qui fera de lui un ascète. Comment le pourrait-il, lui qui est assoiffé des désirs?

265- Celui qui s'est débarrassé de toutes ses fautes vénielles et grandes, celui-là est un ascète, car il a vaincu le mal.

266- Un homme n'est pas un disciple uniquement parce qu'il mendie; le fait de prononcer des voeux ne transforme pas automatiquement un disciple. Il importe de vivre la Doctrine.

267- Celui qui est en dehors du bien et du mal, qui est engagé dans la voie de la continence, celle du savoir et de la réflexion, celui-là peut être appelé disciple

268- Un homme n'est pas nécessairement un sage parce qu'il se tait; si son mutisme provient de l'ignorance, ce n'est pas de la sagesse, mais de la stupidité.

269- Celui qui sait juger objectivement et opter en connaissance de cause, celui-là fait preuve de sagesse: on peut l'appeler un sage.

270- Celui qui renonce au mal, s'inspire de la sagesse, non-violent, celui-là peut être appelé un sage.

271- Celui qui maltraite des créatures vivantes n'est pas un sage; en revanche, celui qui est compatissant envers tous les êtres, celui-là est un sage.

272- Les macérations, une vaste érudition, la méditation ou la vie érémitique ne permettent pas d'atteindre à la sérénité. O disciples, soyez vigilants, jusqu'à ce que les désirs soient éteints en vous.

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XX – en marche sur le Sentier – Maggavagga


273- Il n'est pas de meilleure voie que l'Octuple Sentier. Il n'y a pas de vérité plus excellente que les Quatre Nobles Vérités. Il n'est pas de meilleure condition que le détachement et l'homme par excellence est celui qui a l'esprit de synthèse.

274- En vérité: tel est le sentier. Il n'y en a pas d'autre qui conduise à la vision purifiée. Empruntez-le et la Mort sera confondue.

275- Suivez ce sentier et ce sera la fin de la souffrance; j'ai découvert cette voie après que j'eus appris à me garantir de la douleur.

276- L'effort, c'est à vous qu'il appartient de le faire, les Bouddhas se bornent à indiquer la voie. Ceux qui méditent parviennent à se libérer des efforts de la Mort.

277- "Les états conditionnées de la vie sont impermanents"; une fois que l'on a compris cela par la sagesse, on est à l'abri de la souffrance; cela est le sentier de la pureté.

278- "Les états conditionnés de cette vie sont marqués par la souffrance"; une fois que l'on a compris cela par la sagesse, on est à l'abri de la souffrance; cela est le sentier de la pureté.

279- "Toutes les formes créées sont des illusions"; une fois que l'on a compris cela par la sagesse, on est à l'abri de la douleur; cela est le sentier de la pureté.

280- Au moment où il faut agir, s'il y a inaction, quoiqu'étant jeune et fort, mais asservi par l'indolence, faible, apathique, sans volonté, celui-là ne découvrira pas le chemin de la sagesse.

281- Modère tes paroles, contrôle ton esprit; abstiens-toi d'actes nuisibles. Ces trois voies s'ouvrent devant toi; tu atteindras le sentier éprouvé par les sages.

282- La sagesse est la conséquence de l'union à l'absolu; le contraire produit l'absence de sagesse. Connaissant ces deux sentiers, l'un enrichissant, l'autre appauvrissant, opte pour celui où le savoir va en progressant.

283- Coupez cette futaie et non un seul buisson! De la futaie des délices sourd le danger. Lorsque vous aurez abattu ce taillis, alors, ô disciples, vous aurez atteint le Non-être.

284- Tant que la dernière attache du désir envers la femme n'est pas rompue en l'homme, l'esprit est asservi, tel le veau qui tête sa mère.

285- De même que l'on coupe le lotus en automne, fauche en toi l'amour du moi; que le sentier de la paix, du Non-être indiqué par la Doctrine soit ta dilection.

286- "Je m'installerai ici durant la mousson, je vivrai là pendant la saison froide, je séjournerai en un autre lieu pendant l'été" tels sont les projets de l'insensé comme si rien ne pouvait les contrecarrer. 

287- Cet homme fier de sa nombreuse famille et de ses troupeaux, qui ne vit que pour amasser, voici que la mort l'assaille et l'emporte tel un fleuve impétueux détruit un village nuitamment.

288- On ne trouve la paix ni auprès des enfants, ni du père, ni de la famille; quand la mort survient, les proches ne peuvent te secourir.

289- Sachant cela, le sage, celui qui est maître de lui, l'éclairé s'empresse d'emprunter le sentier qui mène au Non-être.

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XXI – Mélanges - Pannikavagga

 

290- Si, rien qu'en abandonnant un infime bonheur, on en acquiert un plus grand, le sage renoncera au premier pour envisager le second.

291- Rechercher son propre bonheur au détriment d'autrui, c'est se vêtir de haine, c'est être esclave de la haine.

292- Ne pas faire ce que l'on devait faire et réaliser ce que l'on doit laisser de côté, c'est s'adonner entièrement au désir et à l'illusion.

293- Il faut se garder des réactions des sens, éviter ce qui est mauvais, il importe de poursuivre sans relâche le bien.

294- Ayant tué la sensualité, l'orgueil et le faux-savoir, renonçant à l'emprise du plaisir, le brahmane s'en va le coeur léger.

295- Ayant tué la sensualité, l'orgueil, la fausse science, ayant abandonné les cinq véhicules de l'existence, le brahmane s'en va d'un coeur léger.

296- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples du Bouddha; nuit et jour, leur esprit est fixé sur l'enseignement contenu dans la Doctrine

297- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples de Gautama; nuit et jour, leur esprit est concerté sur la doctrine.

298- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples de Gautama; nuit et jour, leur esprit est fixé sur la communauté des moines.

299- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples de Gautama; nuit et jour, leur esprit est fixé sur la nature éphémère des formes.

300- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples de Gautama; nuit et jour, leur esprit se complaît dans la non- violence.

301- Ils ont l'esprit ouvert, éveillé, les disciples de Gautama; nuit et jour, leur esprit est fixé sur la méditation.

302- Renoncer au monde est une souffrance; vivre dans le monde en est une également. Difficile est la vie monastique, pénible est la vie de famille.

303- Le vagabond qui erre sans but, est tributaire de la douleur; le dévot et le courageux obtiennent gloire et richesse. On les vénère où qu'ils aillent.

304- Comme sommets de l'Himalaya que l'on aperçoit de loin, tels sont les hommes droits; les méchants sont aussi invisibles que des flèches tirées dans la nuit.

305- L'ermite qui reste ferme dans la maîtrise de soi, qu'il se réjouisse au fond de la forêt, solitaire.

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XXII – Des états de l’enfer - Nirayavagga


306- Le menteur sera dans un état de douleur, de même que celui qui, ayant agi, dit: "je ne l'ai pas fait"; tous deux, dans le futur, partageront un sort identique. Les hommes récoltent leurs actions dans l'au- delà.

307- Tu portes la robe jaune, soit; mais si tu es dissipé, malfaisant, dans ce cas, tu seras dans un état de douleur.

308- Il est préférable d'avaler une bille de fer rouge plutôt que de mendier, lorsqu'on mène une vie dissolue.

309- Quatre punitions s'abattront sur l'homme peu scrupuleux qui convoite la femme d'autrui: la déconsidération, l'insomnie, une mauvaise réputation, un état de souffrance morale.

310- La mauvaise renommée, la déconsidération, un éclair de plaisir empreint d'inquiétude marquant les deux complices, la punition sévère du roi. Qu'aucun homme ne convoite la femme d'autrui.

311- L'herbe kusa blesse la main qui la saisit maladroitement; de même, l'ascétisme, mal compris, mène à un état de souffrance.

312- Une oeuvre faite automatiquement, un précepte suivi avec réticence, tout cela ne conduit pas à l'état de chasteté.

313- Ce que tu dois faire, accomplis-le de toutes tes forces; un pèlerin indolent contribue à accroître le mal.

314- Il faut se garder de la mauvaise action; on évite ainsi le tourment. La bonne action est préférable, car elle ne procure aucun remords.

315- Garde-toi, tel un château fort qu'il faut surveiller, ne te relâche pas dans la défensive. Les non-vigilants n'échappent pas à l'état de souffrance.

316 - D'aucuns ne réprouvent pas le scandale et s'indignent lorsqu'il n'y a rien de répréhensible; émettre des faux jugement, c'est emprunter une voie dangereuse.

317- Redouter ce qui n'est pas à craindre et ne pas avoir peur de ce qui est redoutable, avoir une telle attitude, c'est emprunter une voie dangereuse.

318- Voir le mal où il n'est pas et ne pas le voir où il est, c'est là une attitude dangereuse.

319- Admettre que le mal est le mal, que le bien est le bien, adopter des vues justes, c'est emprunter la bonne voie.

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XXIII – sur l’Eléphant - Nagavagga


320- De la même façon que l'éléphant, au combat, accuse la flèche lancée de l'arc, je dois supporter patiemment les insultes des méchants, et il y en a.

321- L'éléphant domestiqué est conduit au combat, mené par le roi. L'homme, par excellence, est celui qui, maître de lui-même, supporte l'injure sans rien dire.

322- Les mulets dressés, les chevaux fougueux du Sind, les grands éléphants de combat sont admirables; plus admirable encore est l'homme qui s'est maîtrisé.

323- De telles montures ne te transporteront pas au pays inconnu; c'est en se maîtrisant soi-même qu'on y parviendra.

324- Le grand éléphant, dit Dhamapâlako, celui-là est indomptable à l'époque des amours. Entravé, il refuse de manger. Il songe, ce grand éléphant à la vie agréable dans la forêt.

325- Le fainéant, le glouton, celui dont la tête est lourde et sommeillante, comme le porc qui se nourrit de déchets alimentaires, cet insensé sera encore soumis à de multiples re- naissances.

326- L'esprit a vagabondé fort longtemps, au gré de son plaisir. Maintenant, je veux le maîtriser comme le cornac, celui qui dompte l'éléphant rétif.

327- Soyez actifs, contrôlez votre esprit avec rigueur. Dégagez-vous du bourbier de mal comme l'éléphant sort du marécage.

328- Il est bon d'avoir un ami prudent, un ami qui est également sage et intrépide. Avec un tel compagnon, on peut entreprendre le voyage.

329- Il est malheureux de n'avoir aucun ami prudent, qui soit également sage et intrépide. Dans ce cas, comme un roi quitte le pays qu'il a conquis ou comme l'éléphant dans la forêt, entreprenez seul le voyage.

330- Mieux vaut voyager seul. L'insensé n'est d'aucun secours; marchez seul dans le chemin de l'existence, sans faire de mal, vivant un peu comme l'éléphant dans la jungle.

331- Il est bon d'avoir un ami compréhensif. Il est heureux d'accepter tout ce qui arrive; il est bon au moment de mourir d'avoir agi correctement, il est bon de laisser derrière soi toute tristesse.

332- Il est bien de vénérer sa mère et son père, il est bien d'estimer la Voie et le brahmane.

333- Il est bon de pratiquer la vertu tout au long de sa vie, il est bon de conserver une confiance à toute épreuve, il est bon d'acquérir la sagesse, il est bon de s'abstenir de tout mal.

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XXIV – concernant la Convoitise - Tanhavagga


334- Chez l'homme, dépourvu de vigilance, le désir croît comme une liane; il gambade d'une existence à l'autre comme le singe à la recherche de fruits dans la forêt.

335- Celui qui est dominé par l'implacable convoitise, celui-là verra ses souffrance se développer comme le gazon touffu, après une forte averse.

336- Celui, qui en revanche, vient à bout du désir si difficile à vaincre, celui-là verra ses souffrances tomber, telle une goutte d'eau de la fleur de lotus.

337- A vous tous qui m'écoutez, je donne ce conseil salutaire: extirpez les racines du désir, comme on arrache celle du gazon touffu. Ne donnez pas à la mort l'occasion de vous rompre comme le courant brise le roseau. 

338- Un arbre abattu continue de bourgeonner à la condition que les racines soient intactes. La peine est aussi permanente, tant que le désir n'est pas éteint en soi.

339- Dans l'impossibilité de résister efficacement aux trente-six courants des passions, l'homme sans guide, assoiffé de plaisirs, est emporté par eux.

340- Ces courants s'écoulent de partout et les boulianes de la tentation l'enlacent et bourgeonnent; qu'il n'hésite pas à extraire leurs racines, causes de la douleur.

341- Ceux qui laissent vagabonder leur esprit dans la sensualité, ceux-là ne parviennent pas à sortir du cercle des renaissances.

342- Ceux qui sont asservis par le désir, ceux-là courent en tous sens comme des lièvres que l'on poursuit. Saisis dans un piège, longtemps, ils connaîtront la douleur.

343- Ceux qui sont asservis par le désir, ceux-là courent en tous sens comme des lièvres traqués. Rejette donc le désir, ô disciple, qui aspires à te libérer des passions.

344- Une fois libéré du désir, celui qui s'enfonce à nouveau dans cette jungle, il est semblable à un être affranchi retournant à ses chaînes.

345- Elles ne sont ni en fer, ni en bois, ni en chanvre les entraves; c'est plutôt l'attachement aux bijoux et aux parures, aux enfants et aux épouses qui constitue l'attachement le plus fort disent les sages.

346- Oui, déclarent les sages, c'est un lien puissant, celui qui entrave les hommes, il est malaisé de s'en débarrasser. Cependant, ceux qui choisissent de vivre dans le célibat, ceux-là renoncent aux plaisirs et aux désirs des sens et ne regardent pas derrière eux.

347- D'aucuns sont les prisonniers de leur propre filet, tissé de volupté et de plaisirs, comme l'araignée dans sa toile. L'homme libéré ne s'y laisse pas enfermer et marche en avant sans se soucier du passé.

348- Libère-toi du passé, libère-toi du futur, libère-toi du présent et dépasse-les. Affranchi ton esprit, tu ne retomberas plus dans les cycles des renaissances.

349- Celui que le doute agit, dominé par ses passions, préoccupé des seuls plaisirs, celui-là voit le désir s'accroître en lui et il se forge une lourde chaîne.

350- Celui qui concentre son intérêt dans un esprit apaisé, qui ne redoute pas l'amertume, celui-là rompra, voire supprimera les liens de la mort.

351- Il parvient au terme de son existence, sans crainte, sans désir, sans reproche, ayant détruit les obstacles de la vie, il n'a plus la perspective de renaître.

352- Libéré de la convoitise, détaché de tout, ouvert à la connaissance, conscient de la valeur des mots, tel il se révèle dans sa dernière incarnation, on l'appelle le grand homme, le sage par excellence.

353- Je suis celui qui a tout sais, qui a tout appris de la Doctrine. Je suis celui que rien ne souille ni n'embarrasse, sans désir, ayant tout exploré, qui pourrait être mon maître?"

354- Le don de la Doctrine surpasse tous les dons. La saveur de la Doctrine est supérieure à toutes les saveurs. Les délices de la Doctrine surpassent toutes les délices. L'extinction du désir règne au-dessus de toutes les douleurs.

355- Les richesses sont la perte de l'insensé, s'il ne considère pas ce qui est au-delà; par sa passion pour les richesses, il se suicide comme il tuerait ses ennemis.

356- Le chiendent fait périr les récoltes, la cupidité entraîne la perte de notre génération; le détachement de toutes choses produit beaucoup de fruits.357- Le chiendent fait périr les récoltes, la haine est la perte de notre génération; la libération de la haine est fructueuse.

358- Le chiendent fait périr les récoltes, la haine est la perte de notre génération; la libération de l'illusion est fructueuse.

359- Le chiendent fait périr les récoltes, l'égoïsme est la perte de notre génération; la libération de l'égoïsme est fructueuse.

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XXV – Au sujet du disciple - bikhuvagga


360- Il est bon de contrôler l'oeil, il est bon de vérifier l'ouïe, il est bon de contrôler l'odorat, il est utile de contrôler le goût.

361. Il est utile de contrôler l'action, il est utile de contrôler la parole, il est utile de contrôler l'esprit, il est bon de tout vérifier. De toutes manières, le disciple, qui se contrôle, est libéré de toute souffrance.

362- Celui qui contrôle ses gestes, sa démarche, son langage, il se sent heureux; tranquillisé, content, on peut l'appeler "disciple".

363- Le disciple qui tient sa langue en bride, sage et contrôlant ses paroles, refoulant son orgueil, interprète de la Doctrine, celui-là tient des propos doux comme le miel.

364- Observant la Doctrine, en en faisant ses délices, méditant sur elle, l'enseignant, le disciple agissant ainsi ne s'éloignera pas d'elle.

365- Le disciple ne méprisera pas ses progrès, ni ne considérera ceux d'autrui avec envie; le disciple envieux n'atteindra pas la concentration.

366- Que le disciple ne dédaigne pas un progrès modeste; si sa vie est pure et son travail incessant, les dieux le loueront.

367- Celui qui ne découvre rien qui lui appartienne dans son corps et dans son esprit, qui ne s'affecte pas de la brièveté de la vie, celui-là est un disciple.

368- Le disciple qui fait de l'existence un état d'amour et une délectation de l'enseignement du Bouddha, celui-là atteint la paix et la sérénité.

369- Détourne-toi du superflu, ô disciple, ton embarcation, ainsi allégée, voguera sans effort: sans désirs et sans haine, tu entreras dans le Non- être.

370- Rejette ces cinq choses: le culte du moi, l'incertitude, la croyance en l'efficacité des rites et des cérémonies, la luxure et la mauvaise volonté. Supprime ces cinq autres: l'attachement à l'existence terrestre, l'existence désincarnée, l'orgueil, l'agitation de l'esprit et l'ignorance.

Cultive ces cinq autres choses: la confiance, l'énergie, la concentration, la méditation et la sagesse. Ainsi libéré, le disciple est déclaré: celui qui a traversé les flots.

371- Disciples, soyez vigilants, ne négligez rien. Ne permettez pas à votre esprit d'errer, interdisez-lui tout vagabondage dans le domaine de la volupté. Sinon, vous seriez dans la condition d'un homme qui avalerait une bille de fer rouge en s'écriant: "Comme je souffre !".

372- Il est impossible de méditer là où il n'y a pas de sagesse; hors de la méditation, il n'y a pas de sagesse. Il est proche du Non-être, celui en qui résident la méditation et la sagesse.

373- Le disciple qui, dans une maison solitaire, a calmé son esprit, celui-là jouit d'une joie inégalable dans la vision parfaite de la Doctrine.

374- Celui qui, concentrant son esprit, voit comment se forment et se désagrègent les éléments de l'existence, celui-là connaît la joie et la sérénité des sages.

375- Le disciple sage doit avant tout veiller sur ses sens, il doit se contenter de peu, s'en tenir à la discipline; il importe qu'il choisisse comme amis des être nobles, sincères et purs.

376- Celui qui est hospitalier, aimable et courtois, celui-là, parfaitement heureux, en aura terminé avec la souffrance

377- Comme le jasmin se dépouille de ses pétales flétris, de même le disciple abandonne le désir et la haine.

378- Peu actif, mesuré en paroles, calme, serein, délivré des liens du monde, tel est le disciple "calme".

379- Qu'il s'éveille de lui-même, qu'il se connaisse lui-même; alors étant son propre gardien, concentré, le disciple demeurera dans la joie.

380- Chacun est son propre protecteur, son propre refuge. Sache donc te contrôler comme le maquignon maîtrise son cheval fougueux.

381- Le disciple, débordant de joie, enthousiaste grâce à l'enseignement du Bouddha, ce disciple-là obtiendra l'état de stabilité, d'apaisement dans ce monde.

382- Le jeune disciple qui se voue à la Doctrine du Bouddha, ce disciple-là éclaire le monde telle la lune apparaissant parmi les nuages.

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XXVI - Le Brahmane – brahmanavagga


383 Arrête le flot qui s'écoule, fais un effort, rejette tes convoitises, ô brahmane! Lorsque tu auras détruit les états conditionnés de l'existence, tu connaîtras le Non-être, ce qui est permanent.

384- Lorsque le brahmane a choisi les deux états de stabilité et de vision intérieure, il connaît alors la réalité et toutes ses chaînes tombent.

385- Celui qui ne considère ni le subjectif ni l'objectif, celui qui ne redoute rien, sans attache, celui-là, je l'appelle brahmane.

386- Celui qui médite, libéré du désir, de l'attachement à l'existence, de l'illusion, sans tache, fidèle au devoir, qui a achevé la course, celui-là, je l'appelle brahmane.

387- Le soleil brille le jour; la lune éclaire la nuit. Le soldat attire le regard par son armure; le brahmane est auréolé par sa méditation. Le Bouddha, lui, resplendit sans cesse, nuit et jour.

388- Le brahmane est celui qui rejette le mal courageusement; celui dont la conduite est stricte, je l'appelle un disciple, celui qui s'est débarrassé de ses impuretés, je l'appelle un ascète.

389- Qu'aucun mal ne soit perpétré contre le brahmane. Si ce dernier est attaqué, qu'il ne riposte pas, que la honte demeure sur celui qui frappe un brahmane; que la honte soit sur le brahmane qui répond à l'injure.

390- Rien n'est plus excellent pour le brahmane, rien n'est supérieur que le contrôle de l'esprit et des penchants. En réprimant les mauvaises pensées, dans ce cas, il supprime la souffrance.

391- Celui qui n'exerce le mal ni dans ses actes, ni dans ses paroles, ni dans son esprit, celui-là qui se conforme à ces trois restrictions, je l'appelle un brahmane.

392- Quel que soit celui qui vous enseigne la doctrine du Bouddha suprême, celui-là, révérez-le comme un brahmane devant le feu sacré.

393- Ce ne sont pas les cheveux tressés, ni la caste, ni la naissance qui font le brahmane; le véritable brahmane est celui en qui demeurent la vérité, la droiture et la pureté.

394- Les cheveux tressés n'ont aucune importance, ô insensé! Les peaux de chèvre dont tu es couvert, non plus! Tu caches une forêt vierge dans ton coeur; tu n'es bon qu'en apparence!

395- Le mendiant, en loques, maigre, aux muscles saillants qui médite, retiré au fond de la forêt, celui-là, je l'appelle brahmane.

396- Je n'appelle pas brahmane celui qui, malgré son ascendance, est riche et méprisant. Celui qui ne possède rien, qui est libre d'attache, celui-là, je l'appelle un brahmane.

397- Celui qui s'est libéré de tous ses liens, qui ne redoute rien, qui est libre d'entraves, celui-là, je l'appelle un brahmane.

398- Celui qui a supprimé, peu à peu, l'inimitié, l'attachement et le doute, celui qui a écarté les obstacles de l'ignorance, qui est illuminé, celui-là, je l'appelle un brahmane.

399- Celui qui est sans haine, qui admet les réprimandes, les coups et l'emprisonnement; celui qui est doué d'une longue patience, celui-là, je l'appelle un brahmane.

400- Celui qui est libéré de la colère, qui remplit ses devoirs, vertueux, ne convoitant rien; celui qui est parvenu au terme de ses renaissances, celui-là, je l'appelle un brahmane.

401- Celui qui ne s'adonne pas plus aux plaisirs que la goutte d'eau ne s'attache aux pétales du lotus ou le grain de moutarde à l'extrémité d'une aiguille, celui-là, je l'appelle un brahmane.

402- Celui qui a réalisé en cette vie l'anéantissement de la douleur, celui qui n'a plus de fardeau ni de jour, celui-là, je l'appelle un brahmane.

403- Le sage qui l'est profondément, connaissant le bon et le mauvais, qui a obtenu la libération de l'existence, celui-là, je l'appelle un brahmane.

404- Celui qui ne souhaite ni le contact avec les laïcs, ni la compagnie des moines, qui n'a pas de foyer et se contente de peu, celui-là, je l'appelle un brahmane.

405- Celui qui ne cause de préjudice à personne, que ce soit une créature faible ou puissante, qui ne commet ou ne fait point commettre de meurtre, celui-là, je l'appelle un brahmane.

406- Fraternel parmi ceux qui ne le sont pas, apaisé parmi les agités, généreux parmi les pauvres, celui-là, je l'appelle un brahmane.

407- Celui que la dépravation et la haine, l'orgueil et l'envie ont dérouté, comme le grain de moutarde tombe de l'extrémité d'une aiguille, celui-là, je l'appelle un brahmane.

408- Celui qui ne prononce que des paroles édifiantes et vraies, qui ne fait de peine à personne, celui-là, je l'appelle un brahmane.

409- Celui qui s'approprie rien qu'il n'ait reçu, que ce soit peu ou beaucoup, que ce soit bon ou mauvais, celui-là, je l'appelle un brahmane.

410- Celui qui ne souhaite plus rien obtenir en ce monde ou en un autre, qui s'est libéré de toute attache et de tout joug, celui-là, je l'appelle un brahmane.

411- Celui qui ne désire plus rien, qui est suffisamment versé dans la connaissance pour ne plus douter, qui a obtenu l'état de Non-être, celui-là, je l'appelle un brahmane.

412- Celui qui a dépassé les limites du bien et du mal, qui est libéré de la crainte, pur et sans tache, celui-là, je l'appelle un brahmane.

413- Celui qui est pur, clair et calme comme la lune, qui a renoncé aux plaisirs de la vie, celui-là, je l'appelle un brahmane.

414- Celui qui est allé au-delà du sentier marécageux de l'illusion, qui a dépassé le chemin ardu des renaissances, qui a franchi l'autre rive, méditatif, sans désirs, sans incertitude, celui-là, je l'appelle un brahmane.

415- Celui qui a renoncé à toute impureté, qui se voue à une vie errante, qui fait tarir en lui la source de l'attachement à l'existence, celui-là, je l'appelle un brahmane.

416- Celui qui ne convoite plus rien, qui se voue à la vie errante, qui a fait tarir en lui la source de l'attachement à l'existence, celui-là, je l'appelle un brahmane.

417- Celui qui a secoué le joug des hommes et le joug des dieux, qui s'est affranchi de toutes les dominations, celui-là, je l'appelle un brahmane.

418- Celui qui a surmonté le plaisir et la peine, qui est parvenu à parfait équilibre, libéré de la volupté et des pensées impures, celui-là, je l'appelle un brahmane.

419 - Celui qui connaît la fin et le commencement de tous les êtres, l'homme libéré, le parfaitement bienheureux, l'illuminé, celui-là, je l'appelle un brahmane.

420- Celui dont le chemin est ignoré des dieux, des demi-dieux, des vaillants mortels, qui, ne désirant rien, est libre de tout attachement à la vie, sans illusion, ce "méritant"(1), celui-là, je l'appelle un brahmane.

421- Celui qui ne se soucie plus du passé, ni du futur, ni du présent dans lequel il n'y a plus de trace de ce qui est, qui ne possède aucune lien avec le monde, celui-là, je l'appelle un brahmane.

422- L'homme parfait, le héros, le sage omnipotent, le vainqueur, l'immuable, l'homme total, le suprême, l'éveillé, celui-là, je l'appelle un brahmane.

423- Celui qui connaît ses vies antérieures, celui qui considère les séjours célestes et les états de souffrance, parvenu à la fin des cycles des renaissances, clairvoyant, omniscient, parfaitement accompli, celui-là, je l'appelle un brahmane.

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