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Réflexions sur les Refuges

 

Lorsqu'on demande: "Que faut-il faire pour devenir bouddhiste?", nous disons que nous prenons refuge dans le Bouddha, le Dhamma, la Sangha. Et pour prendre refuge nous récitons la formule appropriée en pali .

Au fur et à mesure de la pratique, lorsque nous commençons à comprendre la profondeur des enseignements bouddhiques, prendre ces refuges devient une très grande joie. Après vingt-deux ans de vie monastique, j'aime encore réciter Buddha saranam gacchami . En fait, j'aime cela plus encore qu'il y a vingt-deux ans, parce qu'alors cela ne signifiait rien pour moi, je le récitais par devoir, parce que cela faisait partie de la tradition. Prendre refuge en Bouddha, seulement en paroles, ne signifie pas que vous preniez refuge en quoi que ce soit. On pourrait entraîner un perroquet à dire Buddha saranam gacchami et cela aurait probablement autant de signification pour le perroquet que pour de nombreux bouddhistes. Il faut méditer sur ces mots, les observer et vraiment essayer de comprendre ce qu'ils signifient, ce que signifie "refuge, ce que signifie Bouddha". Lorsque nous disons "Je prends refuge auprès du Bouddha-, qu'entendons-nous par là? Comment pouvons-nous utiliser cela pour que ce ne soit pas seulement une suite de syllabes dépourvue de sens, mais quelque chose qui nous aide réellement à nous rappeler, nous donner une direction et à développer notre dévotion, notre dévouement à la voie du Bouddha?

Le mot Bouddha est un mot merveilleux, il signifie "celui qui connaît", et le premier refuge est auprès du Bouddha en tant que personnification de la sagesse. La sagesse non personnifiée reste trop abstraite pour nous. Nous ne pouvons concevoir une sagesse sans corps, sans esprit, et comme la sagesse semble toujours avoir une qualité personnelle, il est très utile de prendre le Bouddha comme symbole.

Nous pouvons utiliser le mot Bouddha en nous référant à Gautama, le "fondateur" du bouddhisme, le sage historique qui atteignit le parinibbana en Inde il y a 2500 ans, I'enseignant des quatre Nobles Vérités et de l'Octuple Sentier, enseignements dont nous profitons encore aujourd'hui. Mais lorsque nous prenons refuge dans le Bouddha, cela ne signifie pas que nous prenions refuge auprès d'un prophète historique, mais auprès de ce qui est sage dans l'univers, dans nos esprits et qui n'est pas séparé de nous mais qui est plus vrai que tout ce que nous pouvons concevoir avec l'esprit ou expérimenter avec les facultés sensorielles. Sans la sagesse de Bouddha dans l'univers, une vie de quelque durée que ce soit serait totalement impossible. C'est la sagesse de Bouddha qui protège. Nous l'appelons sagesse de Bouddha, d'autres peuvent l'appeler autrement s'ils le veulent, ce ne sont que des mots. Nous utilisons les termes de notre tradition. Nous n'allons pas ergoter sur les termes en pali, sanscrit, hébreu, grec, latin, anglais ou autres, nous employons simplement le terme "sagesse de Bouddha" comme symbole conventionnel pour nous aider à nous rappeler qu'il nous faut être avisés, vigilants, éveillés.

De nombreux moines de la forêt dans le Nord-Est de la Thailande utilisent le mot "buddha" comme sujet de méditation. Ils le considèrent comme une sorte de koun. D'abord, ils pacifient l'esprit en suivant la respiration avec les syllabes "bud-dho", et ensuite ils commencent à contempler: "Qu'est-ce que buddha ?" Celui qui connaît? Qu'est-ce que la connaissance?".

Lorsque je voyageais dans le Nord-Est de la Thailande, j'aimais séjourner au monastère d'Ajahn Fahn. Ajahn Fahn était un moine très aimé et profondément respecté, précepteur de la famille royale, si populaire qu'il recevait constamment des invités. Je m'asseyais dans son kuti et l'écoutais donner les causeries les plus éblouissantes, toutes au sujet de "buddha". Autant que je me souvienne, c'est tout ce qu'il enseignait. Il pouvait en faire une méditation vraiment profonde, que ce soit pour un fermier illettré ou pour un aristocrate thaïlandais élégant et éduqué à l'occidentale. Ce qu'il nous apprenait, c'était plus que "répéter "buddha" de façon mécanique, il nous apprenait à réfléchir et à chercher. Il poussait notre esprit à vraiment sonder le "buddha ", "celui qui sait, à vraiment aller au fond des choses, de manière que toute l'attention soit en éveil. En faisant cela, "buddha" commence à résonner dans notre esprit. On cherche, on observe, on examine "buddha avant et après l'avoir prononcé, et, finalement, on commence à écouter et à entendre au-delà du son, jusqu'à entendre le silence

Un refuge est un lieu sûr. Ainsi, lorsque des gens superstitieux venaient voir mon maître Ajahn Chah, désirant des médaillons consacrés ou de petits talismans pour les protéger des balles de fusil, des coups de couteau et des fantômes, il disait: "Pourquoi voulez-vous cela? La seule véritable protection est le refuge auprès du Bouddha. Prendre refuge dans le Bouddha est suffisant." Mais ils avaient moins confiance dans le Bouddha qu'en leurs petits médaillons stupides. Ils voulaient un objet en bronze ou en argile, poinçonné et bénit. C'est ce qu'on appelle prendre refuge dans le bronze ou l'argile, prendre refuge dans la superstition, prendre refuge dans ce qui n'est pas vraiment sûr et ne peut réellement nous aider.

De nos jours, en Angleterre, nous rencontrons généralement des personnes plus sophistiquées. Elles ne prennent pas refuge dans les charmes magiques, mais dans la Banque de Westminster, par exemple. C'est d'ailleurs encore prendre refuge dans quelque chose qui n'est pas sûr. Prendre refuge dans le Bouddha, dans la sagesse, c'est avoir un lieu sûr. Quand la sagesse est présente et que nous agissons avec sagesse, nous sommes réellement en sécurité. Autour de nous, les conditions peuvent changer. Nous ne pouvons pas savoir ce qui adviendra du niveau matériel de vie, ni si la Banque de Westminster survivra dix ans. L'avenir reste inconnu et mystérieux. Par contre, en prenant refuge dans le Bouddha notre esprit peut réfléchir maintenant sur la vie et apprendre en la vivant.

Ajahn Sumedho

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